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En coopération avec ses avocats partenaires, EPSA Innovation se tient informé des évolutions législatives et jurisprudentielles susceptibles d’avoir un impact sur son activité et celle de ses clients. Ces évolutions font l’objet d’une analyse approfondie par EPSA Innovation et ses avocats partenaires.


 

La cour administrative d’appel de Paris vient de rendre un arrêt en matière de subventions publiques à déduire du calcul du crédit d’impôt recherche dont la solution semble pour le moins contestable et qui devrait donner lieu à pourvoi en cassation. Le débat de cette affaire porte sur la nature publique ou privée des fonds qui alimentent l’aide octroyée pour la réalisation d’un projet de recherche nettement individualisé (Cour administrative d’appel de Paris, 18 février 2022, 19PA01989 – FCBA

 


Quels sont les faits ?

Un centre technique industriel, l’institut technologique Forêt Cellulose Bois-construction Ameublement (ci-après FCBA), qui exerce une mission d’intérêt général au bénéfice des acteurs de la filière, a réalisé des travaux de recherche sur différents projets et a sollicité, à ce titre, le bénéfice du crédit d’impôt recherche (CIR), bénéfice qui lui a été refusé au motif que les projets avaient été subventionnés et que ces subventions auraient dû être déduites des dépenses éligibles.

En l’espèce, les subventions avaient été accordées par des personnes morales de droit privées, le comité professionnel de développement des industries françaises de l’ameublement et du bois (ci- après CODIFAB) et l’interprofession nationale France bois forêt (ci-après FBF).

Le CODIFAB est financé par une taxe parafiscale, qui, rappelons-le, ne constitue pas une ressource de l’Etat tandis que le FBF est alimenté par une contribution volontaire obligatoire (CVO), qui est une créance privée (Décision du Conseil constitutionnel n°2011-221) dont le versement n’est pas constitutif d’une aide d’Etat (Arrêt CJUE 30 mai 2013 C-677/11). La CVO est une contribution volontaire dans le sens où elle a été fixée de manière consensuelle par les membres de la profession et obligatoire, car son extension à tous les acteurs de la filière a été rendue obligatoire par la loi. Elle est perçue par le FBF auprès des membres de la filière, qui est seul décisionnaire de son utilisation.

Bien que les ressources des deux organismes financeurs ne proviennent pas de fonds publics, ne soient pas des ressources de l’Etat, n’aient pas un caractère fiscal (tout du moins pour la CVO) ni que leur versement ne soit constitutif d’une aide d’Etat, le juge d’appel a considéré que ces aides, dès lors qu’elles provenaient de l’utilisation de ressources perçues à titre obligatoire et sans contrepartie, devaient être regardées comme constituant des subventions publiques :

« En l’absence de définition du terme subvention publique au sens des dispositions du III de l’article 244 quater B du code général des impôts, doit être regardée comme constituant une subvention publique, au sens de ces dispositions, toute aide, versée en vue ou en contrepartie d’un projet de recherche, provenant de l’utilisation de ressources perçues à titre obligatoire et sans contrepartie, que ces aides soient versées par une autorité administrative ou un organisme privé investi d’une mission de service public. »

 

 


Pour quelles raisons cette solution est contestable ?

En premier lieu, en retenant cette définition des subventions publiques indépendamment des notions issues du droit de la concurrence et droit administratif économique, le juge impose aux organismes souhaitant bénéficiant du CIR, de rechercher la provenance des fonds alloués finançant leur projet de recherche. Il ne suffit pas de vérifier la convention signée avec l’organisme financeur, ni de s’intéresser à la nature de l’organisme, il convient désormais de s’interroger sur la nature des fonds ayant permis de financer l’organisme. Pour le moins, le juge d’appel n’a pas entendu faciliter le calcul du CIR notamment pour les sociétés privées de l’écosystème de la recherche (CTI, SATT…).

En second lieu, le juge considère que les sommes collectées sont perçues sans contrepartie. Or cela n’apparait pas exact. En effet, ces sommes financent des actions collectives au bénéfice de leurs membres, les entreprises de l’ameublement et du bois. Les redevables attendent bien une contrepartie au versement de ces contributions, en mutualisant des moyens pour l’organisation d’un financement d’activités de recherche bénéficiant à l’ensemble de la filière. Et l’argument du rapporteur public, Monsieur Sibili distinguant le redevable (les acteurs de la filière) et le contribuable (les clients de la filière) ne semble pas pertinent dès lors que la répercussion n’est qu’une possibilité offerte au redevable et strictement encadrée par la nécessité d’une mention sur la facture, et en aucune façon une obligation faite aux redevables.

En troisième et dernier lieu, la solution retenue annihile le caractère incitatif du dispositif du CIR puisque dans l’hypothèse d’une chaine composée de structures privées mutualisant un effort de recherche, aucune structure juridique ne peut bénéficier de l’aide. En effet, la déduction d’un financement total du projet érode totalement le CIR associé pour la société réalisatrice des travaux. Et les contributeurs de cette étude, personnes privées ne peuvent valoriser cette charge de R&D dans aucun poste de dépenses de leur CIR propre.

Reste à espérer que le Conseil d’Etat censure cet arrêt tout au moins pour la CVO et qualifie ces sommes comme des subventions privées, ce qu’elles sont.

 

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